Déjà, les préparatifs du retour sont là. C’est la fin de ce voyage. Dans quelques heures un avion me ramènera. La page de ce parcours, exceptionnel dans ma vie, va devoir être tournée… sauf si je décide de l’écrire avec toujours de nouvelles images d’animaux!
Je suis venu tenter de nouvelles expériences. Je suis venu chercher un autre chemin, pour avancer plus loin. J’ai toujours agis comme un promeneur qui ne sait pas précisément où il va, mais qui cherche quand même de nouveaux chemins. Je ne suis pas de ceux qui savent tout d’avance, ou qui prétendent tout savoir. Moi, j’ai besoin d’essayer. De gouter. D’analyser pour me faire ma propre idée.
Je partais avec des envies de renouveau. Des désirs de découvertes. Dans le domaine photographique, j’ai voulu remettre en question mes connaissances pour les confronter avec des éléments inconnus. Il fallait apprendre. La lumière sous l’eau; la respiration; la flottaison; la réaction des animaux; le contrôle de mon appareil (tout ce que je pense avoir compris dans mes images de studio) en essayant d’être un minimum créatif!
De plusieurs points de vue, je pense que la tentative est une réussite: j’ai appris à plonger en laissant mon corps se laisser aller à l’air limité. J’ai appris à dépasser l’angoisse d’être au fond en voulant être dehors. J’ai vécu de lâcher mes réflexes « d’air libre », mes appréhensions terrestres, pour les effacer, en m’adaptant à la limite d’une bouteille qui se vide rapidement et à la pression qui augmente tout aussi rapidement. J’ai réapprit la manipulation d’un appareil photo, au milieu du grand bleu et derrière un masque de verre plein de buée parfois. J’ai appris le mouvement des poissons, leurs attitudes à mon approche, pour appuyer sur mon déclencheur au meilleur moment.
Cela oblige à l’humilité, car ils sont bien les maîtres respectables de leur lieu de vie et moi, juste un simple visiteur fragile.
J’ai alors pu me (re)mettre à regarder autour de moi. M’extasier de voir un poisson agile. Un requin affamé. Un dauphin joueur. Une tortue paisible. Une raie pressée. Un napoléon serein. Et tant d’autres, tout aussi extraordinaires. Tout un univers qui a toujours été là et que j’ai pu, par une chance rare, j’en ai conscience, effleurer de mes yeux gourmands.
J’ai voulu tenter de faire des photographies de ces beautés sous-marines. Des photos comme je les aime. J’ai bien décris déjà toutes les difficultés que cela a représenté. La photographie est un compromis entre les conditions de prises de vue et du matériel à disposition. J’ai dû faire avec mes moyens, comme nous le faisons tous. Il m’a fallut comprendre les limites de mon matériel. Les dompter. J’ai alors dû oublier mes habitudes de photographes terrestres pour en découvrir de nouvelles sous l’eau. Puis, exactement de la même façon que j’avais dépassé la technique matérielle sur terre, je me suis mis à oublier l’appareil pour commencer à « faire » des photos. J’ai encore énormément à apprendre, je le sais bien. On ne devient pas photographe sous-marin, ni plongeur, sans efforts longs et assidus. Mais je crois que j’ai, au final, réussis quelques images qui me ressemblent. Je peux, avec être heureux de ces quelques réalisations qui caractérisent mon style d’image. Cela ne peux que m’inciter à poursuivre mon apprentissage et mes recherches graphiques et artistiques.
Reste à savoir si j’en trouverai les moyens. Mais c’est un autre débat.
J’avais aussi pour objectif d’ouvrir à nouveau mon esprit au monde. De par ma nature intime, j’ai toujours, je crois, été assez curieux de ce (et ceux) qui m’entoure(nt). J’ai toujours eu cette particularité (force ou faiblesse?) de m’étonner devant le moindre fait qui sorte de mon ordinaire. Dans ma vie sans surprise de quinquagénaire parisien, je crois que j’avais un peu cessé d’accepter de me laisser surprendre. J’étais, en fait, aussi un peu désappointé par la tournure que prenait mon environnement professionnel (essentiellement autour du monde canin), confronté aux pathétiques limites humaines et à l’attitude de certains protagonistes qui y gravitent. Il me fallait prendre du recul. Comme je ne suis pas du genre à m’acharner face à la bassesse d’esprit, j’ai choisi d’avancer! Vouloir se remettre en question n’est jamais une erreur.
Au cours de ce voyage, j’ai pu me poser de longues heures à regarder l’océan casser ses vagues sur les coraux. J’ai pu regarder passer des oiseaux. Voir l’ingéniosité du crabe de sable qui restaure son trou ou du Bernard l’Hermite qui déménage. J’ai pu regarder des feuilles d’arbres danser au vent. J’ai vu aussi des enfants rire en sautant dans le lagon. J’ai vu les changements de l’eau, du calme plat, où même l’air reste immobile, à la colère surprenante des éléments. J’ai pu laisser mes pensées divaguer dans les arcanes de mon être. J’ai pu m’interroger sur moi, mes désirs, mes envies, mes erreurs, mes passions, mes fractures et mes espoirs. Des détails primordiaux qui ouvrent l’inspiration.
J’ai pu reprendre contact avec le vivant et c’est bon!
Suis-je devenu plus sage? Je n’ai, surement, rien résolu. Mais qu’y a-t-il à résoudre réellement? Finalement, il suffit peut-être simplement de se laisser porter par le flot de magie qu’est la vie, en essayant de ne pas trop pâtir de ses contradictions. Les choses viennent et s’en vont.
La suite?
Je n’en ai aucune idée précise. Continuer à être moi et faire ce que je suis. Au risque de déplaire, surement, je ne suis pas naïf. J’ai tenté d’innombrables fois. J’ai réussi parfois. J’ai échoué. Je me suis relevé chaque fois. Je m’en suis plus ou moins bien tiré jusqu’ici, mais je fais mon travail avec passion et en le faisant le mieux possible.
Je sais qu’il y en a quelques-uns, parmi ceux qui m’ont lu ici, qui ont apprécié cet échange. D’autres apprécient mes images. Je n’ai pas la prétention d’imaginer que ce que j’ai à dire a tant d’importance, mais quelques retours me laissent croire que mes mots font voyager. On m’a dit qu’ils pouvaient parfois être impudiques ou trop intimes. Je les offre avec sincérité, et sans rien imposer, à tous ceux qui, comme moi, sont curieux de ce monde, sans vouloir lui nuire. Notre humanité se trouve face à des enjeux qui ne peuvent, je crois, faire l’impasse sur le respect des autres espèces qui partagent cette Terre avec nous. Moi, j’aime les regarder et essayer de les photographier différemment, en cherchant à les mettre en valeur. Avoir choisi de travailler en contact avec des animaux n’est pas anodin et j’espère pouvoir continuer encore longtemps. Je suis, tout simplement, heureux de l’écho trouvé chez ceux qui m’ont lu.
2019 – Un autre voyage, se termine. En tout cas pour la partie polynésienne de ce début d’année. Commence maintenant l’après, qui sera tout aussi porteur de nouveautés et de belles découvertes. Je ferai mon possible pour cela.
Je vous dis à bientôt pour de nouvelles images et de nouveaux écrits…